La part d'ombre (Mani, Gnostiques, C.Yung)

 

 
 
 

L’on a toujours entendu parler de la partie sombre de l’homme, de sa partie noire, en fait toute couleur qui tenterait de définir le mal qui sous nos latitudes et suivant notre culture occidentale serait forcément éloigné du blanc qui caractérise la pureté. Tous les philosophes sans exceptions se sont intéressés à cette partie cachée de l’individu, et cela a même produit deux religions, on plutôt deus sectes, les gnostiques et les manichéens, et autant d’études comme celle de Carl Yung sur laquelle nous nous arrêterons plus avant. Cette partie de l’individu que l’on pressent que l’on n’arrive pas à caractériser, repose sur des bases qui vont au-delà de la connaissance empirique, si tant est que les explications que l’on s’efforcera de trouver sont au-delà de cette connaissance empirique.

Pourquoi encore est-ce une part d’interrogation ? Parce que l’on tente d’expliquer l’inexplicable par une non connaissance de cet inexplicable, non connaissance qui sera enfouie au plus profond de nous-même et donc impénétrable et dès lors explicable. En effet il sera alors facile d’expliquer qu’il suffit d’accepter le dogme pour en être satisfait.

 

Considérant l’homme comme une entité intellectuelle autonome, on va pouvoir distinguer deux parties déjà signifiées par les manichéens, le corps et l’esprit. La doctrine manichéenne est intéressante à plus d’un titre car elle définit un état pré naturel considérant une avant création où l’homme n’existerait pas en tant que tel mais serait la représentation allégorique de la lumière et des ténèbres en parts égales.

Il n’y a plus de création il ne règne que la lumière et les ténèbres jusqu’au jour ou fatiguée d’une lutte sans merci, la lumière se risquant à vaincre les ténèbres, elle triomphe en emprisonnant une petite partie de la lumière dans le royaume des ténèbres dont le résultat sera l’homme en tant que tel. Il ne s’agit pas de la victoire du bien sur le mal, car la lumière et les ténèbres ne sont pas le même monde, la lumière, esprit sensible, surnaturel, beau vient se commettre avec les ténèbres qui sont tout sauf une représentation légère de l’irréel. Ces deux entités se combattent, mais ne se servent pas des mêmes armes et néanmoins arrivent à se rencontrer et batailler jusqu’à la victoire de la lumière.

Mais quid alors des ténèbres qui ont par force intégrés une part de lumière. C’est la négation des ténèbres car ceux-ci se livrent à une féroce bataille intérieure qui est évidemment la caractérisation de la mort et alors la victoire des ténèbres.

L’homme est né et il doit mourir, sa conception s’est faite dans la lueur magnifique d’une victoire de la lumière et sa mort dans la victoire des ténèbres. Notons que chez les manichéens, Dieu existe en tout état de cause comme supérieur à la lumière et aux ténèbres mais de façon théorique car il doit défendre son royaume contre celui des ténèbres.

Ce très court résumé sur la création selon Mani, pourrait se résumer à la création dans l’ancien testament.

Mais ce qui devient intéressant c’est l’explication que donne Mani de la structure de l’individu, ca qui est bon c’est l’esprit, la lumière ce qui est mauvais c’est le corps, les ténèbres. Je pense que l’on peut discerner ici hormis la notion de bien et de mal la recherche spirituelle à travers de la lutte entre la lumière et les ténèbres. Ce n’est pas à proprement parler le bien et le mal qui se livrent une lutte sans merci comme on le voit dans la religion chrétienne, mais plutôt une tentative d’expliquer que le mal fait intrinsèquement partie de l’individu, une part de la lumière étant emprisonnée dans celle des ténèbres.

Ce qui vaudra d’ailleurs une violente critique de la part de Saint Augustin ancien manichéen, qui considère que Dieu étant parfait, il ne peut y avoir de victoire sur le mal car par définition il est parfait et donc systématiquement vainqueur contre le mal.

On comprendra maintenant le sens populaire du manichéisme qui consiste à considérer que seul le bien et le mal coexistent et qu’il n’y a pas d’alternative.

Je suis celui qui est, je suis celui qui suis, je suis.

Il est très compliqué de faire le parallèle entre les différentes religions préchristianiques car à cette époque, justement à la naissance du christianisme, existaient beaucoup de religions, certaines issues des peuples qui le pratiquaient, d’autres issues de l’hellénisme et enfin certaines qui préfiguraient les trois grandes religions révélées que sont l’Islam, le Christianisme et le Judaïsme. Comme je l’ai dit plus hauts toutes ces religions à des degrés divers s’intéressaient à l’âme avec un désir non dissimulé de comprendre le moi, ce qui par exemple était le fait des gnostiques.

Il existe peu de textes explicitant la doctrine gnostique, mais cependant, il est très intéressant de  remarquer que cette religion prêchait l’esprit du bonheur et de l’amour. D’ailleurs le terme gnose dans une de ses acceptions, car nous allons voir qu’il en existe plusieurs, signifie, la connaissance de la tendance universelle de la pensée. Toute les représentations ésotériques de la connaissance que ce soit la « Kabale, l’Hermétisme » font appel à la notion de « Gnose » qui ne serait alors qu’une sorte de connaissance réservée aux initiés. On peut parler de gnostiques chrétiens car encore une fois la gnose en tant que telle peut s’assimiler à une religion ou à une philosophie religieuse. Mais, là où se trouve une divergence fondamentale, c’est que les gnostiques, au contraire des platoniciens par exemple considèrent que l’homme a été créé supérieur à ses créateurs et donc ceci devient une hérésie d’ailleurs combattue avec véhémence parait-il par Irénée de Lyon au IIème siècle.

La symbolique du gnostisme est de dire que l’homme doit se libérer de sa parcelle divine, ce qui passe évidemment, par une connaissance parfaite de la nature de l’esprit, c’est-à-dire du moi profond. On ne peut faire une étude approfondie sur cette philosophie complète qui intègre les mythes de façon à en faire une sorte d’échelle de Jacob dont serait aux plus hauts barreaux les parfaits initiés.

Les gnostiques estiment que le seul sens à la souffrance du monde est de permettre par la connaissance la libération de l’esprit caché dans l’homme. On comprendra alors, que pour les gnostiques le principe fondamental de la gnose était de rechercher les fondements de l’esprit comme ont pu le faire plus tard les chantres de la psychanalyse, Freud, Yung et Lacan.

Commençons à percevoir la différence du signifiant gnose par rapport à la connaissance, la gnose est la connaissance ésotérique  dans la littérature alchimique, Hermès trismégiste, comme on l’a vu, dans la religion juive avec la « Kabale » et puis aussi n’oublions pas le mythe d’Hiram en Franc-Maçonnerie mythe fondateur qui répond aux notions de vie et de mort

Il existe par ailleurs dans le christianisme, plusieurs écrits gnostiques, labélisés Chrétiens. La part d’ombre chez les gnostiques était donc réservée à celui qui n’était pas initié et cela soulève de nombreuses questions, à commencer par savoir qui est initié ou non dès lors que l’on a subit une initiation et cela représente aussi la vérité de la Franc-maçonnerie.

(a suivre…)